Le burnout, à qui la faute ?

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Séverine Felley, Psychologue du Travail & des Organisations (FSP), Consultante.

Burnout - épuisement professionnel

Ce titre peut sembler provocateur. Cependant, il fait écho aux différentes perspectives sur les responsabilités invoquées dans l’apparition du burnout.  

Selon certains, la responsabilité du burnout incombe principalement à l’entreprise, à son organisation du travail et à sa gouvernance.  Pour d’autres, la responsabilité est à attribuer principalement à l’individu lui-même. Il est même surprenant de lire des témoignages de personnes qui ont souffert d’un burnout qui s’en disent entièrement responsables. Et c’est aussi la société, dans son ensemble, qui est parfois mise en cause, du fait de la signification et de l’importance accordées au travail dans la définition de notre identité.

La compréhension des causes d’un burnout est un enjeu réellement important : la définition de la cause conditionne celle des interventions proposées. Clarifier les causes est donc indispensable pour ne pas se retrouver avec un emplâtre sur une jambe de bois.

En effet, une perspective postulant des causes intrinsèques amènera à développer des mesures axées essentiellement sur l’individu et le développement de ses compétences en matière de résilience. En revanche, des approches mettant en lumière des facteurs liés à l’environnement de travail conduiront à proposer des mesures applicables au niveau organisationnel.

De plus, les chiffres illustrent l’urgence de la réflexion :

  • En Suisse, 17% des actifs déclarent avoir souffert d’un burnout.
  • Plus de la moitié des rentes AI sont octroyées en raison de troubles psychologiques, chiffre en constante augmentation.
  • Les chiffres du Job Stress Index publiés par Promotion Santé Suisse annoncent que près de 30% des actifs se sentent régulièrement à souvent épuisés.

Le burnout c’est quoi au juste ?

Le burnout est défini par l’OMS comme un syndrome (et non une maladie) résultant d’un stress chronique au travail, qui n’a pas été correctement géré. Le terme de burnout, ou d’épuisement professionnel, désigne spécifiquement des phénomènes relatifs au contexte professionnel et trois dimensions le caractérisent :

  • Un épuisement physique et mental
  • Un retrait vis-à-vis du travail ou des sentiments négatifs liés au travail
  • Une diminution de l’accomplissement professionnel ou de l’efficacité au travail

Il est possible par ailleurs d’évaluer son risque sur ces 3 dimensions grâce à l’échelle de Maslach développée par Susan E. Maslach et Susan H. Jackson. (vers l’échelle)

Saviez-vous que les premières mentions du burnout remontent déjà aux années 1970 ? Ce terme a été popularisé par Herbert Freudenberger, psychologue américain, pour décrire un état d’épuisement professionnel associé à un stress chronique au travail.

Le burnout est en effet étroitement lié au stress. Par conséquent, pour comprendre les facteurs favorisant le burnout, il est certainement pertinent d’examiner les apports des recherches relatives stress.

Un nom à retenir : Hans Selye, médecin endocrinologue, est un des pionniers de l’étude du stress dès les années 30. Selye définit le stress comme une réponse adaptative de l’organisme, appelée Syndrome Général d’Adaptation (SGA). Il décrit trois phases successives dans toute réaction à un « stresseur » :

  • Une phase d’alarme, brève et intense
  • Une phase de résistance lorsque la situation se prolonge et durant laquelle l’organisme peut encore fournir sa réponse adaptative
  • Une phase d’épuisement, dans laquelle l’organisme ne parvient plus assumer sa réponse adaptative. Les différents mécanismes compensatoires, notamment hormonaux et neurologiques, ne répondent plus aux contraintes et l’épuisement s’installe.

Quels sont les facteurs de stress au travail ?

Par la suite, de nombreux chercheurs ont catégorisé les différents facteurs de stress et étudié les différences dans les réponses individuelles, cherchant à les expliquer. Un des objectifs étant de répondre à la question : pourquoi, dans un même environnement, tout le monde ne réagit-il pas de la même manière ?

En synthèse, les facteurs relatifs au stress au travail sont catégorisés soit comme extrinsèques à l’individu, regroupant notamment l’environnement organisationnel, sa culture, la gouvernance et l’organisation du travail, soit intrinsèques en référence à des caractéristiques individuelles.

Globalement, les différents modèles reconnaissent l’existence de contraintes, qui sont les exigences physiques, émotionnelles, intellectuelles et psychologiques auxquelles l’individu doit répondre dans l’accomplissement de ses tâches.

Puis, à ces contraintes, on oppose des ressources organisationnelles ou individuelles. Les ressources dites organisationnelles font essentiellement référence à l’autonomie, à la liberté dans l’organisation des tâches, à la latitude décisionnelle, à l’intérêt des tâches, au retour d’information, à la reconnaissance ou encore à la possibilité d’utiliser ses compétences, pour en citer quelques-unes.

Au niveau des ressources individuelles, on peut citer les traits de personnalité, le contexte social, les stratégies adaptatives et cognitives, l’estime de soi ou le sentiment d’efficacité personnelle, entre autres.

Même s’il n’y a pas de consensus définitif, il semble plus que raisonnable de privilégier une approche plurifactorielle. Selon les modèles théoriques sous-jacents, le rôle, l’influence et les interactions entre les contraintes et ressources seront évalués différemment. Il n’en demeure pas moins que des études répétées ont pu confirmer l’impact négatif de certaines contraintes, ou modérateur de ressources, sur la santé, notamment sur :  la santé mentale (troubles dépressifs, anxieux et burnout), le système cardiovasculaire, les troubles du métabolisme (tel que le diabète de type 2) ou les troubles musculosquelettiques.

Burnout & santé mentale : quelles actions mettre en place ?

Si recourir à des modèles et à des recherches dans les champs de la psychologie ou de la sociologie sur la santé au travail peut sembler rébarbatif, il est certain qu’il serait bienvenu, et productif, de les considérer lors de la réflexion et de la mise en œuvre de mesures pour la santé mentale au travail afin de cibler des interventions pertinentes.

Trop souvent, on cherche à mettre en place des solutions « clé en main », à trouver des « quick wins », voire parfois des actions « marketing, sympathiques à communiquer ». Or, cela débouche trop fréquemment sur des actions isolées, déconnectées les unes des autres, et qui finalement ratent leur cible.

D’ailleurs, une étude britannique, publiée par William J. Fleming de l’Université d’Oxford et reprise abondamment dans les médias, a récemment mis en évidence le peu d’efficacité d’initiatives visant uniquement le développement des ressources individuelles des collaborateurs (gestion du stress, méditation, etc…)  ( lire article complet en anglais ou  un résumé dans l’Express.)

Il serait sans aucun doute bénéfique de consacrer à la problématique du burnout, et de la santé mentale au travail plus largement, le temps et la profondeur qu’elle nécessite. Il s’agit pour les entreprises d’appréhender de manière plus ciblée les dynamiques et facteurs clés en jeu afin de construire une approche structurée, porteuse de solutions durables et qui répondent au mieux à sa réalité.

On n’a en effet jamais autant parlé de santé au travail alors que les chiffres montrent que la problématique semble prendre de l’ampleur. Il est donc dans l’intérêt général de mettre en place des actions qui sont à la hauteur des enjeux.

NB : Les modèles de référence considérés dans cet article, si vous souhaitez explorer plus avant, sont notamment le « Demande-Contrôle » de Robert Karasek, le « Demande-Ressources » de Demerouti, Bakker & al, ou encore la salutogenèse d’Antonovsky et la robustesse psychique de Suzanne Kobasa. J’ajouterai Siegrist qui introduit la notion de sur-engagement (engagement excessif au travail et besoin excessif d’approbation), souvent associée au burnout comme un facteur aggravant. Ce modèle souligne l’importance de l’équilibre entre l’effort et la récompense dans la relation de travail, définissant le travail dans un rapport de réciprocité.

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