Le besoin de reconnaissance : besoin légitime ou un mal à guérir ?

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Séverine Felley, Consultante pour une performance et un environnement de travail durables ; Ex. leader RH, Psychologue du Travail & des Organisations (FSP).

Peut-on se passer de reconnaissance ou être indifférent au regard des autres ?

Pour ma part, je n’ai jamais connu quelqu’un qui n’avait absolument aucun besoin de reconnaissance, ou qui soit totalement indifférent au regard des autres. Bien sûr, certains moins que d’autres, certains, même, convaincus de ne pas en avoir besoin. Ceux-ci tenaient un discours tel que « je n’ai pas besoin de la reconnaissance de mon patron, je veux juste une augmentation de salaire » ou encore : « je n’ai pas besoin de reconnaissance, je veux juste qu’on me fasse confiance et qu’on me laisse faire mon travail ». Cela se passe de commentaire non ?

Maslow qui relève les besoins d’estime dans sa célèbre pyramide ne me contredira pas. J’aurai probablement le support de psychologues et de sociologues qui relèvent l’importance des témoignages de reconnaissance dans le développement de l’enfant, la construction identitaire ou encore dans la formation de nos liens d’appartenance et les processus de socialisation.

Donc, le besoin de reconnaissance n’est pas, en soi, un mal à guérir, comme on le présente souvent. C’est un besoin fondamental. Et pourtant, il est vrai qu’il est aussi parfois source de difficultés, voire de souffrance ou encore l’origine d’un manque d’autonomie et d’indépendance.

Apprentissages et lien social

Les démonstrations de reconnaissance sont indispensables à nos apprentissages, et ce dès le plus jeune âge.  Enfant, c’est la reconnaissance de nos parents, de notre famille puis d’autres figures d’autorité telles que les enseignants, qui nous indique la direction à prendre, renforce certains comportements ou au contraire les inhibe selon les réactions qu’ils suscitent.

Plus tard, c’est un jeu de reconnaissances réciproques qui contribue à bâtir notre appartenance aux différentes communautés qui deviendront les nôtres. C’est bien tout l’enjeu des tenues vestimentaires de l’adolescent et de ses comportements bien spécifiques. Et ce sont les mêmes « jeux » à l’âge adulte qui nous incitent à adopter les codes (vestimentaires, comportementaux, etc…) ou encore les valeurs, modèles et croyances d’une communauté. Nous cherchons à être connu ou reconnu, et satisfaisons ainsi notre besoin vital d’appartenance et de lien social

Ou pour reprendre les propos de Simone de Beauvoir « L’individu ne reçoit une dimension humaine que par la reconnaissance d’autrui ».

C’est en développant un savant équilibre entre exister en qualité d’individu unique, tout en construisant des appartenances, que l’on devient un être autonome et conscient de ses choix.

Reconnaissance et monde professionnel

C’est bien sûr un processus identique qui se déroule dans le cadre professionnel.

Il peut s’agir de souligner la bonne intégration et le respect d’une culture organisationnelle, souvent implicite, confirmant ainsi si nos comportements sont conformes aux attentes de l’environnement professionnel qui est le nôtre. Les signes de reconnaissance seront donc autant d’indicateurs que nos actions sont perçues positivement, ou pas, par l’entourage. C’est d’autant plus appréciable dans un environnement dont on ne connait pas encore les codes ou lorsque l’on assume de nouvelles responsabilités. 

La reconnaissance témoignée sera donc également une boussole bien utile afin de monitorer notre performance, pour autant que l’on sorte de l’implicite afin de donner plus de place à l’explicite.

Un bref exemple : j’ai débuté ma carrière dans un environnement très structuré et organisé. On y appréciait beaucoup ma rigueur, une approche très organisée et ma ponctualité. J’ai ensuite rejoint une entreprise à la culture différente ; et du jour au lendemain, une partie de ce qui était valorisé dans mon comportement a été interprété et qualifié comme de la rigidité. J’étais la même personne. L’environnement et ses attentes différaient. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur un nouvel entourage professionnel qui a rapidement explicité ce qui était apprécié et attendu.

Reconnaissance et valeurs

Le regard que nous portons sur les autres et la reconnaissance que nous accordons aux réalisations d’autrui sont étroitement liés aux valeurs qui sont les nôtres. Nous jugeons ce que nous observons selon un référentiel subjectif, construit sur notre éducation, notre environnement, nos croyances, nos expériences etc. Chaque groupe, chaque communauté, chaque entreprise, chaque noyau familial est organisé autour d’un système de valeurs, et en qualité d’individus, nous sommes influencés par ces systèmes et les influençons en retour.

Chacun d’entre nous porte un regard sur l’autre et chacun est regardé. Instinctivement, nous avons tendance à apprécier ce qui est conforme à nos valeurs, de manière à assurer la stabilité du système dans lequel nous sommes. 

Or, dans un monde aussi riche de diversité que celui d’aujourd’hui, nos référentiels se rencontrent plus fréquemment, s’influencent les uns les autres et donnent vie à des trajectoires de vie qui peuvent prendre de multiples formes. Le champ des possibles est devenu immense.

Comprendre et accepter ceci nous rend à la fois plus bienveillant mais également plus libre.

Une réflexion bienvenue est donc tout naturellement celle qui porte sur l’identification de ses propres valeurs.  En identifiant, en toute conscience nos propres valeurs nous donnons de la légitimité à nos décisions et actions. Et si en tant qu’animal social, nous ne sommes jamais totalement indépendants des autres, être conscient et construire sa propre hiérarchie de valeur aidera à gagner en autonomie et à se distancer de l’éventuel regard porté par autrui.

Quand le besoin de reconnaissance est-il un problème ?

Si le besoin de reconnaissance est légitime et remplit des fonctions utiles pour notre vie en collectivité, quand devient-il un problème, un mal à soigner ?

Quand ce besoin de reconnaissance génère une souffrance, limite notre capacité à décider par nous-mêmes et pour nous-mêmes, quand la peur de déplaire, de ne pas satisfaire nous bloque. Lorsque notre autonomie est réduite. Comme tout besoin, lorsqu’il est insatiable. Inassouvi. Aliénant. Voire douloureux.

S’il est légitime et utile de chercher des signes de reconnaissance, une quête permanente d’approbation, de retours sur ses actions nous met dans une situation de dépendance du regard des autres.  Et ce d’autant plus si cette attente de reconnaissance se fait indépendamment même de la considération que nous avons pour ceux dont nous espérons cette reconnaissance. Combien sommes-nous à avoir couru après la reconnaissance de personnes (un manager ou autres) que nous n’appréciions même pas ?

Besoin de reconnaissance et estime de soi

La notion d’estime de soi est indissociable du besoin de reconnaissance et elle est la clé de notre autonomie psychologique. Or, les échanges de reconnaissance jouent un rôle important dans la construction de l’estime de soi. C’est une saine et stable estime de soi qui nous permettra de discerner les situations et interactions qui nous sont bénéfiques ou pas et de mettre les limites nécessaires.  Elle nous évite d’être tributaires des comportements d’autrui et nous aide à amortir l’impact des difficultés ou échecs rencontrés. Une solide estime de soi nous permettra en plus d’affirmer nos valeurs profondes et de vive en cohérence avec elles.

L’estime de soi est notre meilleure alliée pour rompre une dépendance trop importante au regard des autres et ainsi rechercher de la reconnaissance, oui, mais de manière délibérée et sélective.

Là également un travail conscient sur les valeurs et priorités qui sont les siennes est une aide précieuse dans cette démarche vers plus d’autonomie.

Quelle place donner au besoin de reconnaissance ?

Premièrement, il faut accorder à ce besoin la reconnaissance qui lui revient ; essentiel dans notre développement et nos apprentissages dans l’enfance et à l’âge adulte, fondamental dans la socialisation, utile boussole au quotidien pour diriger nos actions ou parfois source de motivation, entre autres, le regard de l’autre peut être est utile et bienfaisant.

Ensuite, observez et comprenez votre relation au regard des autres. Si vous pensez avoir un besoin trop constant d’approbation, que le regard des autres influence vos choix plus qu’il ne le faudrait, que vous ressentez un manque d’autonomie et que vous avancez dans une direction qui n’est pas forcément la vôtre, Il vous serait peut-être favorable de renforcer votre estime de soi avec un travail approprié.

De plus, s’il vous arrive d’être l’objet de critiques, prenez ce qui peut vous être utile, souvenez-vous que nul n’est parfait et que tout le monde est l’objet de critiques. Des vôtres également.

J’aime me rappeler cette citation vue une fois : pourquoi vouloir être aimé de tous alors que nous-mêmes, nous n’aimons pas tout le monde ?

Et pour finir, soyez clair quant à ce qui vous importe, et accordez de la place à votre voix intérieure plus qu’à celle des autres. Ou au moins autant.

Et je vous laisserai en partageant avec vous 2 conseils bien avisés d’Einstein :

Le premier : Il arrive un moment dans votre vie, où vous devez arrêter de lire les livres des autres, et écrire le vôtre.

Et le deuxième à pratiquer quotidiennement : Au moins une fois par jour, accordez-vous la liberté de penser et de rêver pour vous-même.

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