5 questions essentielles pour réussir l’entretien annuel de performance
Séverine Felley, Consultante - Psychologue du Travail & des Organisations (FSP) - Expertise RH - Anc. Membre de Direction
Immanquablement, chaque année, un moment clé revient pour les managers et les collaborateurs : celui des entretiens annuels de performance. Véritable rite de passage dans de nombreuses organisations, cet exercice peut être perçu comme une opportunité stratégique ou, à l’inverse, comme une contrainte redoutée.
Comment s’assurer que ces entretiens sont véritablement constructifs et profitables pour tous ? Comment gérer les désaccords sur l’évaluation, les demandes salariales, ou encore la démotivation apparente d’un collaborateur ?
Dans cet article, je réponds à des questions fréquentes que se posent les managers à l’approche de ces échanges. Mon objectif : vous donner des recommandations pratiques pour transformer ces moments d’évaluation en véritables leviers de performance et d’engagement.
Comment préparer l’entretien de fin d’année ?
Préparer un bilan factuel de l'année
Dans l’idéal, des entretiens réguliers avec les membres de vos équipes durant l’année vous auront permis de réunir les éléments clés au fur et à mesure. Vous aurez également déjà pu discuter des faits saillants en amont.
Si ceci n’a pas été fait, il est évident que la tâche sera plus ardue et je vous recommande fortement :
1) de rencontrer vos collaborateurs régulièrement en cours d’exercice
2) de noter tous les éléments factuels en cours d’année afin de ne pas devoir faire une revue (forcément biaisée et lacunaire) en fin d’année.
Bref, vous l’aurez compris, il s’agit de rassembler tous les faits, les indicateurs, les observations pertinentes pour votre entretien. Les biais dans l’évaluation sont fréquents, simplement parce que nous sommes des humains. Si le sujet vous semble pertinent, je vous invite à une brève lecture sur les biais dans l’évaluation annuelle.
Un entretien, un message : clarifiez vos intentions
Avec quel message souhaitez-vous que votre collaborateur reparte ? Si cet entretien a lieu, que vous soyez un fervent défenseur de cette pratique ou pas, autant que cela serve à quelque chose, non ? Clarifier cette intention, et gardez-la comme fil rouge durant les échanges qui suivront.
Se préparer aux moments clés de l’entretien
Il s’agit ici de mettre en pratique toute la compétence d’empathie dont vous êtes capable et d’anticiper les attentes et réactions de votre interlocuteur. Si vous demandez à recevoir une auto-évaluation en amont, cela peut vous aider. Prenez le temps de préparer vos réponses aux questions attendues. De même, si certains aspects de votre discussion sont possiblement délicats, entrainez-vous à formuler votre message au préalable.
Comment gérer au mieux l’entretien annuel ?
Une première recommandation : si votre système de gestion de la performance implique une note, un pourcentage d’atteinte, ou encore une évaluation qualitative globale, je ne peux que vous recommander de la donner dès le début. En effet, nous ne sommes pas ici dans un film à suspense. La discussion sera plus fluide et naturelle avec cet élément posé dès le début.
À présent, je vous propose de nous pencher sur 5 questions fréquentes qui préoccupent les managers.
1. Comment impliquer les collaborateurs dans l’entretien annuel de performance ?
Afin de favoriser la participation durant cet entretien, il est utile de créer un contexte général approprié.
Premièrement, impliquer les collaborateurs dans la fixation des objectifs va favoriser leur engagement dans le processus.
Ensuite, des règles du jeu claires et respectée sont indispensables. Vous ne pourrez pas les amener à se sentir concernés si les objectifs sont devenus inatteignables parce que le contexte a changé de manière significative en cours d’année, sans que les objectifs ne soient ajustés.
La qualité des échanges en dehors de ces entretiens et le mode de communication habituel au sein de l’équipe influenceront également la dynamique. La notion de sécurité psychologique joue ici un rôle important.
Au-delà de ces prérequis de base, que je vous invite à mettre en œuvre, les compétences d’écoute active seront d’une grande aide. Écouter (vraiment), reformuler, et questionner de manière ouverte : Quelle est ton opinion sur… ; j’aimerais vraiment avoir ton point de vue. / Qu’est-ce qui a bien fonctionné pour toi cette année ? et au contraire qu’est-ce qui a moins bien fonctionné ? …
Vous trouvez ici des idées de questions parfois un peu « hors cadre » pour vous aider à donner vie à cette rencontre.
2. Que faire face à un désaccord sur l’évaluation ?
Là encore, il est possible de minimiser ce risque en adoptant l’habitude de retours et d’échanges réguliers en cours d’année.
Deuxièmement, la définition des objectifs, et la qualité de celle-ci, a un impact fort sur l’évaluation. Est-ce que leur formulation est explicite, les indicateurs sont-ils pertinents, les objectifs sont-ils dans le contrôle du collaborateur, … ?
Si les règles du jeu ont changé en route sans qu’une discussion n’ait eu lieu, il est évident que cela offrira un terrain fertile à un désalignement en fin d’année.
Si les précautions ci-dessus ont été prises et que malgré tout un désaccord important demeure, je recommande de rester focalisé sur les faits et l’observable. De faire preuve d’écoute et d’empathie.
Selon le contexte vous pourrez rester ferme ou encore revoir votre point de vue si des arguments vous semble pertinents.
Dans tous les cas, il est essentiel de se rappeler que la valeur ajoutée principale de ces entretiens de fin d’année devrait être l‘amélioration continue, à savoir identifier comment faire mieux l’année suivante. Que ce soit le processus de gestion de la performance lui-même, la performance de votre collaborateur ou encore votre accompagnement.
3. Comment gérer les demandes salariales ?
Dans la plupart des organisations, la marge de manœuvre du manager est relativement restreinte… et les budgets aussi. J’ai toujours été d’avis qu’il vaut mieux être transparent et explicite sur cette question. Idéalement, partagez avec les collaborateurs la manière dont les augmentations sont décidées (job ranking, positionnement dans une classe salariale, équité interne etc…). J’ai pu observer que le désaccord, éventuel, avec le mode de décision, est moins délétère que la frustration de ne pas le comprendre, et de se trouver devant un écran opaque.
Si aucune augmentation n’est possible, dites-le et expliquez pourquoi (le vrai pourquoi, pas une excuse bidon qui ne fera que repousser une autre discussion sur le sujet).
4. Comment aborder l’entretien annuel avec un collaborateur qui semble démotivé ?
Ma recommandation ici serait d’aborder la situation ouvertement dès le début de l’entretien. Exprimez votre inquiétude en nommant ce que vous avez observé, sans faire d’interprétation, et avec sollicitude.
La discussion qui suivra dépendra bien évidemment de la situation particulière.
Dans tous les cas, vous pourrez clarifier les attentes qui demeurent essentielles et convenir avec votre collaborateur des actions à mettre en place. Il sera important de définir un suivi régulier durant celle période afin de gérer la situation activement et d’éviter des non-dits dans lesquels on s’enlise ensuite.
5. Comment donner un feedback constructif sans démotiver ?
Cette question revient fréquemment et conduit souvent à des stratégies d’évitement.
Parfois par peur de blesser, en raison d’une mauvaise interprétation de ce qu’est la bienveillance ou par respect de ce qui a été accompli par ailleurs.
D’autres fois par manque de courage managérial, pour s’éviter un moment difficile à gérer.
Si j’ai bien une conviction, c’est qu’on ne rend jamais service à un collaborateur en le privant d’un feed-back, pour autant qu’il soit donné avec la bonne intention et de la bonne manière.
Si dans un premier temps cela peut être désagréable, cela reste le seul moyen de prendre conscience d’un élément sur lequel on peut travailler et amener une amélioration, généralement dans l’intérêt de tous et surtout le sien.
Recevoir un feed-back formulé de manière constructive, et se sentir soutenu dans la démarche de progression, est une opportunité. Et, sans pratiquer le feed-back sandwich qui ne fait que mettre du flou partout, il est parfaitement possible de reconnaître également les contributions réalisées.
Donner un feed-back n’est pas inné, c’est une compétence qui s’acquiert. Si, en tant que manager, vous n’est pas à l’aise avec cette compétence clé pour votre mission, je vous recommande de vous former. Ensuite, plus vous donnerez du feed-back et plus vous serez à l’aise dans cet exercice.
Un autre élément est important : la culture du feed-back au sein de votre équipe. Plus chaque membre sera habitué à échanger du feed-back et plus cela sera vu comme une opportunité et non plus comme un moment exceptionnel et anxiogène (un peu comme aller chez le dentiste). Créez donc une culture du feed-back.
L'entretien annuel : une opportunité
En conclusion, l’entretien annuel de performance constitue une opportunité unique de renforcer l’engagement, d’ajuster les attentes et de poser les bases d’une collaboration encore plus efficace pour l’année à venir.
Avec une préparation adéquate, des objectifs clairs et une communication honnête, ces entretiens peuvent être des leviers puissants pour la performance et la motivation de vos équipes.