Nous sommes tous, sans exception, biaisés dans nos perceptions et jugements. En effet, de nature économe, notre cerveau nous induit parfois en erreur, et ce, plus souvent que nous le pensons. Les biais cognitifs sont, en substance, une stratégie de notre cerveau face à la quantité d’informations perçues ; intention louable mais qui nous conduit à des erreurs de jugement ou de prise de décision, en établissant des liens qui sont dépourvus de logique malgré les apparences.
Dans cet article, sont décrits 4 biais qui interviennent fréquemment dans l’exercice d’appréciation de la performance : le biais de confirmation, l’erreur d’attribution, le biais de disponibilité et pour finir l’effet de halo. Je vous propose également quelques pistes afin de minimiser leur impact.
Le biais de confirmation
Le biais de confirmation est un des biais les plus fréquents. Il nous conduit à privilégier les informations validant une opinion déjà formée. Quant aux informations contraires, elles seront souvent ignorées, minorées voire discréditées. Nous serons en effet plus critiques sur les opinions ou informations contradictoires, traquant les failles dans le raisonnement avec vigilance, ou en faisant preuve de mauvaise foi à l’occasion.
Si nous estimons qu’un collaborateur manque de rigueur, nous accorderons plus d’attention aux évènements et informations qui le confirment et minimiserons les situations amenant un autre éclairage. De même, d’un collaborateur performant, nous retiendrons les informations qui vont dans ce sens et écarterons celles pointant des manquements.
Ce biais limite donc la qualité de l’évaluation et ne favorise pas un échange complet sur la performance, le potentiel ou les points de vigilance. De plus, le risque existe de passer à côté de l’évolution positive d’un collaborateur, faisant ainsi le nid d’une prophétie auto-réalisante, voire du syndrome de l’échec programmé, décrit par Jean-François Manzoni & Jean-Louis Barsoux (Relations difficiles au travail).
Une idée ? S’efforcer de recueillir des informations contraires à la conviction initiale. Il peut s’agir de compléter sa perception avec celle de tiers, un 360°, ou encore s’astreindre à se remémorer des comportements contraires à notre apriori.
Biais d’erreur fondamentale d’attribution
Il s’agit ici d’attribuer les raisons des échecs et des réussites à des facteurs internes ou externes, soit liés à l’individu ou au contexte.
Un vendeur a fait un résultat remarquable. Une attribution externe serait d’attribuer une part importante de son succès à la nouvelle campagne marketing, au nouveau produit, au nouveau design du magasin etc. Si nous attribuons le même résultat à l’intelligence émotionnelle et à la persévérance remarquable démontrées, nous faisons une attribution interne.
Selon notre culture et nos croyances personnelles, nous avons chacun une tendance à favoriser les attributions internes ou externes.
Une idée ? Observer la situation dans son ensemble. Dans cet exemple, est-ce que tous les vendeurs ont réalisé la même progression ? Et s’il y a des différences, à quoi les attribuer, se donner la peine d’envisager plusieurs causes probables avec impartialité.
Le biais de disponibilité
Comme mentionné, notre cerveau fonctionne naturellement sur un mode économique ; il privilégiera donc les informations facilement disponibles, tels que des éléments répétitifs, récents, ou encore avec une charge émotionnelle marquante.
Une performance particulièrement réussie (ou son contraire), de même qu’un comportement exceptionnel mais survenu peu avant l’entretien annuel aura un poids vraisemblablement disproportionné.
Une idée ? Prendre en compte la période dans son ensemble et s’assurer que l’arbre ne cache pas la forêt. Pour ce faire, des rencontres régulières et documentées (pour y jeter un œil en temps voulu) sera une bonne manière de contrer ce biais.
L’effet de halo
L’effet de halo se produit quand une appréciation est fortement influencée par un critère spécifique. Cet élément va faire halo, comme son nom l’indique, en teintant les autres informations de cette lumière positive ou négative (= effet de Horn). Il s’agit donc d’une interprétation basée sur une perception très sélective des éléments considérés, qui va contaminer les autres caractéristiques. C’est généralement ce qui s’opère dans la construction d’une première impression.
Cela peut être très insidieux. Je reprends ci-dessous une expérience réalisée par Solomon Ash, pionnier de la psychologie sociale . Alan et Ben sont décrits chacun selon 6 adjectifs :
Alan : intelligent – travailleur – impulsif – critique – opiniâtre – jaloux
Ben : jaloux – opiniâtre – critique – impulsif – travailleur – intelligent
Alors que les adjectifs sont identiques, seul l’ordre change, la majorité préfèrera Alan.
Les éléments saillants peuvent être l’apparence physique ou la tenue vestimentaire, sortir de l’Ecole X, une recommandation, un hobby, une similitude quelconque avec soi-même, etc.
L’effet de halo est difficile à contourner car il repose souvent sur des croyances et des préjugés ancrés.
Une idée ? Je vous propose 3 axes :
- Identifier et remettre en question certains apriori (un marathonien n’est pas plus tenace au travail qu’un amateur d’opéra, offrir le café ne fait pas de quelqu’un un team player, être dans les papiers du CEO ne veut pas dire qu’on est performant en tout).
- Être aussi factuel que possible dans votre réflexion.
- Diversifier les sources d’informations.
En synthèse, pour réduire l’impact des biais cognitifs dans l’évaluation, les approches utiles seront :
- Un recueil régulier et documenté afin de pouvoir y revenir dans le temps
- Des regards croisés sur une même performance
- Une remise en question de ses croyances
- Regarder la forêt, pas l’arbre
- Investiguer à contre-sens : rechercher des informations contraires à la première évaluation
Une appréciation pertinente et utile se construit dans la durée, en partageant, en remettant en question nos à priori ou appréciations passées et toujours avec humilité. Et je finirai avec cette citation de Paul Watzlawick
« De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité »